Dans la vie quotidienne, notre esprit est bombardé d’informations, influencé par la publicité, les tendances, le web, les idées de notre meilleur ami. Ce bouillonnement culturel assez jubilatoire il faut le dire, influence notre jugement et participe à faire de nous de bons suiveurs, qui peuvent à loisir parcourir un chemin déjà balisé. En matière de vin, il est tout autant difficile de rester objectif tant le prix, l’étiquette, le prestige, participent à fausser notre ressenti gustatif.
Une expérience amusante a été menée en 2016 par des chercheurs de la très sérieuse université de Bonn : il a été servi à un panel de dégustateur plusieurs verres de vin dont l’animateur annonçait le prix, plus ou moins cher. La grande majorité des personnes présentes ont préféré le vin le plus cher alors que…elles avaient goûté plusieurs fois le même vin !
A partir de ce constat, pas de panique, notre seul guide doit rester le PLAISIR. Et comme tous les goûts sont dans la nature, certains adorerons ouvrir et partager tel vin noté 100/100 par un critique en vue, d’autres ne jureront que par la dégustation à l’aveugle, seul rempart contre les préjugés liés à l’étiquette…La bonne nouvelle, c’est que la majorité des bouteilles ouvertes à la maison le sont par des trinqueurs qui ne connaissent ni la note, ni l’étiquette et qu’ils n’en prennent pourtant pas moins de plaisir !
Arrêtons de faire du vin l’accessoire privilégié d’une caste supérieure de dégustateurs champions de l’autocongratulation qui se moquent du novice, le toisent et l’ignorent alors qu’ils devraient envier sa curiosité et chérir son libre arbitre.
Se détacher du prestige et du prix est une gageure, mais c’est aussi l’introduction nécessaire à ma liberté de trinqueur. Ai-je le droit de ne pas apprécier « Les demoiselles d’Avignon », chef d’œuvre absolu de Picasso, sans pour autant passer pour un ignare ou un demeuré ? Absolument, j’ai même le droit de préférer l’aquarelle de mon Pépé Marcel, qui me rappelle la rivière de mes plus belles vacances d’enfant.
Le vin est une vibration, une aventure olfactive, un tableau que l’on redécouvre à chaque verre. C’est pour toutes ces raisons abstraites mais très personnelles que je peux affirmer mes choix et décupler mon plaisir en ne perdant pas de vue que mon voisin ira souvent dans le sens opposé. De cette opposition naitront des débats animés, des échanges colorés et passionnés, des fusions et des désillusions. C’est cela la vraie vie des canons.
Et il en va de même pour les professionnels du secteur. Il est bien plus facile de s’extasier sur un vigneron chouchou de la critique que de mettre en valeur un jeune talent encore inconnu. C’est pourtant là tout l’intérêt de notre travail, le challenge qui nous fait vibrer, celui de découvrir et cultiver notre bibliothèque émotionnelle. C’est d’ailleurs l’idée fondatrice de notre projet « Les Canons », en magasin ou sur le net, de secouer nos habitudes, nous laver de nos préjugés et vous écouter pour proposer une nouvelle lecture, nous laisser guider par la curiosité et les sentiments.
Notre rôle est de promouvoir la nouveauté, faciliter les échanges, faire tomber les idées préconçues et admettre que la grande majorité des consommateurs de vin attendent surtout des informations claires, objectives et amusantes. Et qu’ils sont suffisamment maître de leur goût pour être doué du pouvoir de choisir ce qu’ils aiment.
Réveillez-vous, vous êtes Canons !
Blaise