C’est sans doute l’une des plus belles histoires récentes du vignoble français que de voir les pentes abruptes du village de Seyssuel de nouveau plantées de vigne. Surplombant le Rhône depuis sa rive gauche, 30 km au sud de Lyon, face aux collines de Côte Rôtie, ce terroir d’exception adulé depuis l’époque romaine (Pline l’Ancien et Plutarque vantaient déjà ses mérites) fut complètement abandonné au début du 20eme siècle après que le phylloxéra ait dévasté les quelques vignes encore debout à cette époque. Trop pentu et dur à travailler, pas assez productif, la nature avait repris ses droits et englouti le paysage viticole.
C’était sans compter sur l’énergie et le pari fou de trois amis vignerons, et non des moindres, Yves Cuilleron, François Villard et Pierre Gaillard, qui décident en 1996 de faire renaître ce terroir endormi, conscients de son potentiel exceptionnel.
Pierre Gaillard avait gardé en mémoire la lecture en 1977 du livre « Théâtre de l’agriculture et mesnage des champs » d’Olivier de Serres qui comparait les vins de Seyssuel à ceux de Côte-Rôtie. Lorsque Yves Cuilleron et François Villard lui parlent de planter à cet endroit, la décision est prise en deux minutes de commencer l’aventure sans attendre.
Ainsi naissent « Les Vins de Vienne » et ses cuvées devenues mythiques aux noms évocateurs de « Sotanum », « Heluicum » et « Taburnum ». Ils plantent naturellement les cépages originaires de la région, Syrah pour les rouges et Viognier pour les blancs. Le premier millésime proposé à la vente, 1998, est un énorme succès critique et public qui confirme l’excellence du cru.
Il faut dire que ce terroir, le plus septentrional des appellations du Rhône, jouit d’une exposition idéale au couchant, d’un sol de schistes clairs unique et d’une ventilation naturelle qui impriment au vin un caractère bien trempé doublé d’une fraîcheur incomparable pour la région.
Tout est réuni pour favoriser l’élaboration de grands vins et voir naître rapidement une AOC, en Côtes du Rhône dans un premier temps, tant l’histoire, la qualité des vins et la délimitation précise du terroir remplissent le cahier des charges de l’INAO qui reste seul juge quant au classement. Les vins de Seyssuel ne bénéficient pour le moment que d’une modeste IGP Collines Rhodaniennes, ce qui n’empêche pas certaines cuvées de dépasser les 35€ à l’achat.
Aujourd’hui, seuls 40 hectares de vigne sont plantés mais l’appellation pourrait concerner 150 hectares à terme.
Nos trois amis vignerons ont fait naître des vocations puisqu’aujourd’hui, 14 domaines regroupés au sein de l’énergique association « Vitis Vienna » proposent des cuvées issues de ces terrasses vertigineuses. Saxeolum, Ripa Sinistra, Seul en Scène, L’Âme Sœur, Esprit d’Antan, autant de clins d’œil à l’histoire de ce terroir qui signent les noms des vins de Seyssuel et racontent le renouveau d’une grande appellation hier endormie, demain à nouveau à n’en pas douter sur le devant de la scène.